dimanche 22 février 2015

Extrait : "CES MESSIEURS D'EN HAUT/De l'usage des femmes par les hommes de pouvoir"

 .... "À cette époque je rêvais de plages au bout du monde. D’une maison victorienne en bois peint bleu délavé, aux persiennes à demi closes. Face à la mer, une véranda et des rocking- chairs. Aux étages, des rires et des chants, des bousculades et de la bonne humeur. Une maison de femmes. Chacune avec son univers propre. Les odeurs de peintures à l’huile ici, les échos d’un piano là-bas, de la terre glaise que l’on travaille sur un tour, des vocalises un peu plus loin, les confitures vanillées qui caramélisent, les légumes du jardin mouillés de rosée qui jonchent la grande table de bois, des fruits luisants, gorgés de soleil, de la dentelle et du crochet. Du lin blanc froissé, des ombrelles et des balancelles en osier. Elles sont cinq ou six femmes dans ce havre de paix. Des amies. Toutes avec un passé abandonné à la consigne et qu’elles ont réussi peu à peu à effacer. La maison ouverte à tous les vents ne laisse la voie libre qu’au colibri et au cardinal à la gorge écarlate, à l’affût de miettes à picorer. Les voiles légers des moustiquaires dans les embrasures, comme d’impalpables nuages de brume, prennent le vent pour un voyage sans retour, rythmés par le ressac d’un océan au loin. Pas de mâles dans ce petit royaume, sauf les amis, de vieux copains de passage, qui ne seront jamais ni amants, ni maris... L’amour bien sûr quand la nature l’impose. Les plages aux senteurs d’iode et de jasmin mêlées sont désertes. Le sable onctueux des grèves poudrées est accueillant sous les étoiles et les jeunes indigènes ont la peau odeur de musc, couleur d’ambre et les bras grands ouverts.
J’ai si souvent rêvé cette maison, sans fausses notes, mensonges, trahisons, faux-semblants, larmes et coups de gueule, vibrante d’harmonie. Tellement qu’elle en devenait réelle......." 


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