....." Je
me sens quelquefois, comme on dit en anglais, «out of date», décalée, hors de ce monde. Définitivement. Je
ne suis sans doute plus au goût du jour mais... «être moderne n’est-ce pas
bricoler dans l’incurable » ? Devant ce pathétique tsunami, gouffre de vide,
j’ai un jour baissé les bras. Moi seule, que pouvais-je faire pour empêcher
cette chute en avant, cette décadence? Alors le mieux était de boucler ma
valise. Et j’ai fait une autre sorte de vide autour de moi pour éviter
manipulation et désinformation : j’ai zappé la télé, la radio, les
journaux. Puis je me suis posée sur une colline entourée de forêts. Je
n’entends que les chants des oiseaux, les vaches meugler et les cerfs bramer
d’amour. Fini les images de guerres, le voile noir qui endeuille les océans
mazoutées, les misères, corruption, mensonges et inhumanité ... Restent ces
rêves qu’un jour prochain l’homme prendra enfin conscience, s’il n’est pas
trop tard, que ce joyau qui est notre Terre et ses enfants méritent le
respect.Au
sommet de cette colline il y a ma maison. J’y suis née. Mes trisaïeuls, ma
grand-mère, mon grand-père, ma mère y ont vu le jour, des paysans qui
vivaient au rythme des saisons, du soleil et des lunes, qui respectaient la
nature et ce qu’elle voulait bien leur offrir. Ils ont retourné avec peine la
terre, ont plié sous les fardeaux en essuyant de leurs mains calleuses la
sueur qui leur brûlait les yeux. Alors que j’étais petite fille, un jour, mon
grand-père devant un champ fraîchement labouré, m’a demandé de
m’agenouiller. « Prends la terre dans ta main et porte-la à ta bouche, elle
est notre chair, petite, elle est la vie, ne l’oublie jamais ! »Elle
était rouge comme le sang, grasse et luisante ; je n’ai jamais oublié son
goût, comme je n’oublierai pas ce grand-père qui seul avait le droit de
toucher la couronne de pain, y faire un signe de croix de la pointe de son
couteau pour nous donner ensuite à chacun une tranche telle une offrande, un
don de Dieu.".....
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